Témoignage de Meriem
First Person Account

Témoignage de Meriem

First Person Account
Ausgabe
2024/08
DOI:
https://doi.org/10.4414/sanp.2024.1503888482
Swiss Arch Neurol Psychiatr Psychother. 2024;175:1503888482

Publiziert am 28.08.2024

Bonjour, je me présente…

Je m’appelle Meriem. Je suis une femme de 41 ans, célibataire sans enfant. Je suis cadre paramédicale laborantine dans un hôpital d’Alger, ville où je réside. Je suis bipolaire de type 1, ou plutôt, une femme active et bien dans sa vie porteuse de la maladie bipolaire type 1, car ma maladie, c’est une partie de moi, mais ce n’est pas moi. Diagnostiquée en 2003 et stabilisée depuis 2011: 12 ans de stabilité, déjà! J’ai certes vécu beaucoup de mauvaises expériences à cause du trouble bipolaire, mais aujourd’hui je mène une vie tranquille, une vie que j’aime, une belle vie épanouie et riche.

Stable depuis 12 ans!

La bascule vers «le mieux» est arrivée lorsque j’ai enfin accepté ma maladie, accepté de vivre avec elle, mais pas pour elle. Lorsque j’ai accepté de ne pas arrêter la médication. Lorsque j’ai intégré l’extrême importance de l’hygiène de vie. Ce «mieux», c’est une maîtrise de la maladie et une stabilité qui dure depuis 12 ans maintenant. Et ceci grâce, entre autres, aux conseils avisés de mon psychologue et mon psychiatre.

Mais avant…

Avant l’année 2011, j’ai vécu beaucoup de phases up/maniaques et down/dépressives. Avec beaucoup plus de up que de down. J’ai vécu trois hospitalisations en psychiatrie et deux tentatives de suicide. J’étais alors tout simplement dans le déni. Je n’avais pas accepté ma maladie et à chaque mieux très temporaire, j’arrêtais le traitement subitement et je me retrouvais immanquablement en phase maniaque ou dépressive. Je me disais que j’étais une personne «normale», que je perdais mon temps en consultation psychiatrique, que les médicaments ne servaient à rien… Jusqu’au jour de 2011 où je me suis retrouvé en phase maniaque. J’ai alors décidé volontairement et donc sans contrainte de me faire hospitaliser. J’étais épuisée et j’avais besoin d’un repos physique et moral. Et le seul lieu pour ça, c’était l’hôpital de psychiatrique.

Plus jamais ça!

Je me suis alors promis à moi-même que ce serait la dernière hospitalisation. Car j’avais pris enfin la décision que ce serait la dernière fois. Que j’en avais marre de cette vie, de cette survie en fait, en dent de scie. Que j’allais combattre ma maladie de cette façon. Et j’ai réussi, Dieu merci, mais ça m’a demandé beaucoup de travail sur moi. Beaucoup! J’ai commencé à faire beaucoup de recherche sur le trouble bipolaire pour en apprendre un maximum, j’ai adhéré à l’association «France dépression» de dépression et trouble bipolaire en 2004 puis à d’autres associations de trouble bipolaire depuis l’année dernière. Equilibre professionnel et privé. J’ai aussi trouvé le soutien familial, amical, professionnel et social; pour moi, le trouble bipolaire n’a jamais été un handicap ou même un obstacle pour réussir ma vie professionnelle et ma vie privée. J’ai pu tenir mon poste de travail depuis l’année 2006. J’occupe un poste de responsabilité: je suis cadre paramédicale, cheffe d’équipe spécialisée en biochimie. Pour moi, le travail fait partie de ma thérapie. J’aime beaucoup mon travail pour lequel j’estime être très compétente.

Fière de moi!

Et j’ai des chefs et collègues très compréhensifs. Ils sont fiers de moi, car j’ai déclaré sans honte que je suis bipolaire. J’ai prouvé à tout le monde que je suis capable de tenir mon poste. J’ai même réussi à obtenir une bourse d’étude à Liège en Belgique, dans un hôpital. J’ai de très bons amis qui me soutiennent vraiment. J’ai eu aussi la chance de trouver le soutien familial. Je pense que c’est très important pour une personne bipolaire. Je me suis bien intégrée dans la société et j’ai réalisé beaucoup de projets dans ma vie. J’écoute les conseils de mon psychologue.

Pilotage par objectifs

Mon psychologue m’a conseillé de me donner des objectifs réalistes et réalisables. A chaque fois que je réalise un objectif, je passe au suivant et ça marche!!! J’ai réussi à avoir un beau logement, une voiture, j’ai fait un déplacement à Dubaï pour tenter ma chance de travail là-bas.

Mes recettes de stabilité

J’ai voyagé un peu partout dans le monde, car les voyages font aussi partie de ma thérapie.
J’écoute de la musique aussi, car la musique fait partie de la thérapie psychiatrique. Et comme je suis musulmane pratiquante, lire le coran et faire les prières à certains moments de la journée font partie aussi de ma thérapie. Aujourd’hui je participe à des groupes de parole en ligne en Suisse, en Belgique et en France. Ça me soulage vraiment et ça me fait beaucoup de bien. C’est si important d’échanger avec des personnes, des «pairs», qui te comprennent sans préjugés sans stigmatisation, et c’est grâce au covid que j’ai découvert les groupes de parole en ligne. J’ai suivi une formation en ligne sur le rétablissement en santé mentale avec un MOOC suisse et j’ai eu l’attestation de réussite et de suivi. Je m’investis beaucoup dans le travail associatif et le bénévolat avec des associations de trouble bipolaire en Europe et au Canada, car en Algérie et dans le monde arabe en générale, ça n’existe pas ce genre d’associations.

Faire un choix de vie

Je sais que le trouble bipolaire est une maladie chronique, au long cours, mais c’est à nous, bipolaires, de choisir: ou bien on reste dans le cercle vicieux des épisodes, on n’accepte pas ce qu’on est et on stagne dans le déni, avec le risque élevé de ne jamais s’en sortir; ou bien on accepte de vivre avec son trouble et de rester «au milieu», dans une euthymie transformée par le travail sur soi, en stabilité au long cours. Un changement total de paradigme, tel que le décrit dans le site bipolarité stable l’initiative de Thierry GRASSET: cette stabilisation où l’on peut enfin vivre une vie normale, réaliser nos projets et nos rêves jusqu’au bout, ce qui n’est pas le cas dans les épisodes up où on entreprend tout et on ne finit presque rien, ou dans les épisodes dépressifs bas où on abandonne d’emblée presque tout.

Confiance en moi

J’ai une grande confiance en moi et une foi qui me porte. «Yes I can»: oui je peux (et je veux). Je suis fière d’être bipolaire, car pas mal de célébrités mondiales étaient ou sont bipolaires: politiciens, artistes, scientifiques et bien d’autres.

Engagement personnel

J’ai eu même une proposition de participation à un podcast avec une journaliste libanaise pour briser le tabou et la stigmatisation de la maladie psychiatrique dans le monde arabe. Car ici, on traite encore assez mal cette maladie bipolaire ainsi que d’ailleurs n’importe quelle autre maladie psychiatrique. C’est considéré comme une maladie honteuse et ça s’accompagne de beaucoup de stigmatisation dans la sphère sociale, professionnelle et familiale. Je veux vraiment briser le tabou en Algérie et dans le monde arabe et récemment, j’ai eu même une proposition par le directeur de la formation de l’institut paramédical d’Alger, qui m’a proposé de faire des communications sur le trouble bipolaire dans les séminaires de psychiatrie et de partager l’expérience de ma maladie et c’est quelque chose de très nouveau en Algérie. J’essaie de sensibiliser au maximum et aussi grâce au groupe de parole le funambule belge, j’ai eu l’information sur la formation de paire aidante par l’animatrice de groupe de parole, car elle est une paire aidante. Je pense que c’est très positif et je souhaite vraiment faire cette formation, même avec mes propres moyens pour aider d’autres personnes, surtout en Algérie. En plus, cette formation, elle n’est pas reconnue en Algérie ni dans le monde arabe, donc je vais apporter quelque chose de nouveau et de très positif dans mon pays. Toute chose a un côté positif et un côté négatif. Moi je profite du côté positif de ma maladie: c’est de transformer ma maladie en opportunités et j’avance. J’avance!

Mon message d’espoir

J’arrive à la fin de mon témoignage. Je veux transmettre un message d’espoir pour toutes les personnes atteintes de trouble bipolaire et qui souffrent en restant cantonnées dans le cercle infernal des hauts up et bas down. Très cher «pair» bipolaire, accepte ta maladie et vis avec, mais pas pour elle: se dire plus jamais ça, ne plus pratiquer l’autostigmatisation morbide et improductive, écouter ton psychologue et ton psychiatre, se fixer des objectifs réalistes et réalisables, faire de la psychoéducation, cultiver la confiance en soi. VIS. Soit fier de toi, n’ai pas honte. Car c’est une maladie comme toutes les autres maladies et personne n’est à l’abri d’en souffrir. Tu es unique et créatif et tu vas t’en sortir. Il faut juste avoir une grande confiance en toi et une forte foi et tu y arriveras un jour. T’inquiète.

© Bondarenko Ivanna / Dreamstime

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