Technologie de capteurs dans les chambres des patients

Point fort
Édition
2024/1920
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2024.1432130173
Bull Med Suisses. 2024;105(19–20):

Affiliations
Universität Bern, Zentrum für biomedizintechnische Forschung ARTORG

Publié le 08.05.2024

Pénurie de personnel qualifié
Grâce à l’enregistrement continu des besoins des patientes et patients, le personnel soignant a une vision claire de ce qui se passe dans le service. Les données cliniques objectives générées par les systèmes de capteurs facilitent la définition des priorités et optimisent le quotidien dans les cliniques et unités de soins.
Les systèmes numériques d’assistance aux soins basés sur des capteurs peuvent-ils soulager efficacement le personnel soignant?
© Serezniy / Dreamstime
Il existe actuellement une pénurie considérable de personnel qualifié dans l’ensemble du secteur de la santé, y compris parmi le personnel soignant. Cette situation s’explique d’une part par l’allongement de l’espérance de vie et d’autre part par le départ à la retraite imminent de la génération du baby-boom [1]. Les estimations actuelles prévoient une augmentation de 24% des patientes et patients en psychiatrie gériatrique dans le canton de Berne d’ici 2030 [2]. Le déficit en personnel va donc continuer à s’accentuer à l’avenir en raison de l’augmentation du nombre de patientes et patients. À cette augmentation s’ajoute le fait que les malades sont de plus en plus multimorbides du fait de leur âge croissant, ce qui rend leur prise en charge médicale plus complexe. Les soins très exigeants qui leur sont prodigués exigent du personnel soignant compétent et expérimenté. Or, le nombre d’infirmières et d’infirmiers par équipe est en baisse dans de nombreuses institutions [3]. Il en résulte une forte pression sur le personnel soignant. De plus, le temps que le personnel soignant passe effectivement auprès des malades est encore réduit.

Étude clinique

Du fait du manque d’études, nous évaluons dans une étude clinique menée à la clinique universitaire de psychiatrie gériatrique des Services psychiatriques universitaires de Berne si les systèmes numériques d’assistance aux soins basés sur des capteurs peuvent accroître l’efficacité dans le domaine des soins et optimiser les processus du personnel médical. Cela permettrait d’augmenter le temps effectif consacré aux patientes et patients. La surveillance continue par capteurs vise à permettre la détection rapide de modifications mineures de l’état de santé des patientes et patients [4, 5], de sorte qu’une éventuelle intervention de soins ou une adaptation thérapeutique puisse avoir lieu sans délai. Cela peut aider le personnel soignant à avoir une meilleure vue d’ensemble de tous les patients et patientes du service, à éviter les rondes inutiles et à intervenir rapidement en cas d’urgence. L’objectif est de réduire le stress des professionnels de la santé. À cet effet, nous développons des algorithmes qui, sur la base des données de capteurs, permettent d’évaluer l’état de santé actuel des patientes et patients et de le représenter

Une surveillance continue par capteurs peut aider à éviter les rondes inutiles et à intervenir rapidement en cas d’urgence.

Les systèmes de capteurs utilisent souvent des capteurs environnementaux sans contact, tels que des détecteurs de mouvement. Les systèmes sans contact sont généralement mieux acceptés par les patientes et patients que les systèmes placés sur le corps, comme les montres intelligentes [6]. Cette réalité s’explique d’une part par le fait que les capteurs placés sur le corps peuvent être perçus comme stigmatisants par l’entourage des individus. D’autre part, une utilisation efficace suppose que les capteurs soient correctement portés et régulièrement rechargés. Cette contrainte considérable est trop difficile à supporter pour de nombreuses personnes. Il est aussi possible que les personnes ne soient cognitivement pas en mesure d’utiliser de tels appareils. Les capteurs environnementaux sont typiquement fixés sur des objets de la vie quotidienne, y sont intégrés et permettent ainsi l’enregistrement de valeurs de mesure cliniquement objectives [7]. Les valeurs de mesure objectives ont le potentiel de fournir des renseignements reproductibles sur l’état de santé actuel des malades. Les systèmes de capteurs suivants sont utilisés dans notre étude: capteur de lit sous le matelas, capteur de marche basé sur le laser et plusieurs capteurs radar (figure 1).
Figure 1: Capteurs dans la chambre d’un patient d’un service de psychiatrie gériatrique. Un capteur de lit (ble u), des capteurs rad ar (vert) et un capteur de marche basé sur le laser (orange) sont utilisés.

Assistance numérique aux soins dans la pratique

Exemple situationnel: c’est la nuit. Le système numérique d’assistance aux soins indique sur l’écran (figure 2) que 14 patientes et patients sur 17 sont calmes. Trois ont besoin d’aide. Dans la Chambre 3, la patiente à risque de chute est déjà assise sur le bord du lit et tente de se lever. Les patients des Chambres 10 et 12 sont agités et nerveux. L’infirmière responsable peut alors se rendre immédiatement auprès de la patiente à risque de chute, l’aider à se lever et empêcher la chute. Elle se rend ensuite auprès des patients agités. Les systèmes numériques d’assistance aux soins aident non seulement le personnel soignant, mais aussi les médecins en charge des patientes et patients. Les données recueillies par le système d’assistance électronique contribuent à la pose de diagnostics précis et permettent une documentation complète et précise de l’évolution et des interventions.
Exemple systématique: chez une patiente atteinte de démence, le traitement somnifère fixe est modifié au profit d’un traitement somnifère «de réserve» le lundi. Dans la nuit de lundi à mardi, les capteurs de surveillance enregistrent un sommeil agité et plusieurs épisodes d’éveil chez cette patiente. Par rapport aux nuits précédentes, où elle prenait encore le traitement fixe, la qualité du sommeil s’est donc détériorée. Ce changement est maintenant affiché sur un écran pour l’infirmière responsable. Comme la patiente démente ne peut plus évaluer elle-même la qualité de son sommeil, le système d’assistance numérique apporte une énorme valeur ajoutée dans de telles situations. Le personnel soignant peut trouver une solution immédiate avec le médecin de garde pour résoudre le problème aigu de sommeil et faire réajuster les prescriptions de médicaments.
Figure 2: Vue d’ensemble des patientes et patients dans le service.

Un système numérique d’assistance aux soins à domicile?

Les capteurs ne sont pas seulement utilisés dans les chambres des patients, mais aussi à domicile. Chez les patientes et patients parkinsoniens, dont les symptômes peuvent fluctuer d’un jour à l’autre, l’enregistrement des données par des systèmes de capteurs apporte une aide précieuse. Les patientes et patients parkinsoniens se rendent typiquement deux à trois fois par an à l’hôpital pour une évaluation. Si cette visite a lieu un jour où tout va bien, alors que les jours précédents ont été difficiles, une «tendance médicale» peut être manquée. Il est aussi possible que des conclusions erronées soient tirées si les patientes et patients sont vus un mauvais jour alors que les jours précédents étaient tout à fait bons. Dans de telles situations, les systèmes de capteurs à domicile peuvent être particulièrement efficaces. Ils offrent un aperçu objectif et continu de l’état de santé, qui peut ensuite être discuté avec les médecins compétents lors des visites ponctuelles à la clinique.
Lena Bruhin PhD Student, Zentrum für biomedizintechnische Forschung ARTORG
tobias.nef[at]unibe.ch
1 P. Scheltens et al., “Alzheimer’s disease,” The Lancet, vol. 388, no. 10043, pp. 505–517, Jul. 2016, doi: 10.1016/S0140-6736(15)01124-1.
2 “Prévisions actualisées des besoins en soins jusqu’en 2030.” Direction de la santé, des affaires sociales et de l’intégration du canton de Berne, Dec. 31, 2020. Accessed: Feb. 22, 2022. [Online]. Available: https://www.gsi.be.ch/fr/start/themen/gesundheit/gesundheitsversorger/spitaeler-psychiatrie-rehabilitation/spitalplanung.html
3 Franziska Zúñiga; Lauriane Favez; Sonja Baumann; Annette Kindlimann; Aislinn Oeri; Brigitte Benkert;, “SHURP 2018 – Schlussbericht. Personal und Pflegequalität in Pflegeinstitutionen in der Deutschschweiz und Romandie.” Apr. 2021. [Online]. Available: https://shurp.unibas.ch/wp-content/uploads/2021/05/SHURP-2018-Schlussbericht-April-21-1.pdf
4 H. Saner et al., “Potential of Ambient Sensor Systems for Early Detection of Health Problems in Older Adults,” Front. Cardiovasc. Med., vol. 7, 2020, Accessed: Feb. 01, 2022. [Online]. Available: https://www.frontiersin.org/article/10.3389/fcvm.2020.00110
5 N. Schütz et al., “Contactless Sleep Monitoring for Early Detection of Health Deteriorations in Community-Dwelling Older Adults: Exploratory Study,” JMIR MHealth UHealth, vol. 9, no. 6, p. e24666, Jun. 2021, doi: 10.2196/24666.
6 A. Botros et al., “Long-Term Home-Monitoring Sensor Technology in Patients with Parkinson’s Disease—Acceptance and Adherence,” Sensors, vol. 19, no. 23, Art. no. 23, Jan. 2019, doi: 10.3390/s19235169.
7 A. Coravos, S. Khozin, and K. D. Mandl, “Developing and adopting safe and effective digital biomarkers to improve patient outcomes,” Npj Digit. Med., vol. 2, no. 1, Art. no. 1, Mar. 2019, doi: 10.1038/s41746-019-0090-4.

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