Deux arrêts du Tribunal fédéral font jurisprudence

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Édition
2024/3334
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2024.1572054570
Bull Med Suisses. 2024;105(33-34):20

Publié le 14.08.2024

Assistance au suicide
Selon les directives de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM), l’assistance au suicide de personnes «en bonne santé» est éthiquement indéfendable. Or, comment une personne qui souhaite mourir peut-elle être considérée comme étant en bonne santé? Le Tribunal fédéral a rendu récemment deux arrêts sur l’assistance au suicide qui soulèvent des interrogations quant à leurs conséquences pour la FMH.
Le suicide assisté est une réalité en Suisse depuis des décennies.
© Irina Felzina / Dreamstime
Le 13 mars 2024, en prononçant un second acquittement, le Tribunal fédéral a mis fin à la procédure pénale à l’encontre du médecin genevois Pierre Beck. Il lui était reproché d’avoir aidé illégalement une femme de 86 ans «en bonne santé» souhaitant mettre fin à ses jours en compagnie de son mari gravement malade dans le cadre d’un accompagnement au suicide. Dans un premier acquittement, le Tribunal fédéral avait constaté qu’il n’en résultait aucune violation de la loi sur les produits thérapeutiques. Le deuxième acquittement a constaté la même chose en ce qui concerne la loi sur les stupéfiants. Le Ministère public genevois était d’avis que Pierre Beck devait être puni pour ne pas avoir respecté les directives de l’ASSM, intitulées «Attitude face à la fin de vie et à la mort».
D’un point de vue médical, il convient tout d’abord de noter qu’aucun des tribunaux impliqués n’avait remarqué l’inexactitude de l’affirmation selon laquelle la dame accompagnée d’un suicide était en bonne santé. En effet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) stipule que la santé exige «un état de complet bien-être physique, mental et social». Celui qui souhaite mourir est privé de cet état. Cette distinction est d’ailleurs également absente des directives de l’ASSM et donc du Code de déontologie de la FMH.

Quels enseignements faut-il tirer de ces deux arrêts du Tribunal fédéral?

En tant que médecin, je considère que cette condition: «L’assistance au suicide pour les personnes en bonne santé n’est pas considérée comme justifiable d’un point de vue éthique au sens des présentes directives», contenue dans les directives de l’ASSM, était et reste indéfendable.
L’affirmation selon laquelle l’assistance au suicide n’est pas une activité médicale devrait également être vérifiée. En effet, comme nous l’avons expliqué, si les personnes qui souhaitent mourir doivent être considérées comme des personnes non saines au sens de la définition de l’OMS, l’aide et l’assistance médicales sont un devoir, voire une obligation. La question de savoir s’il existe d’autres options valables et raisonnables au lieu d’une fin de vie prématurée envisagée est particulièrement importante. Si l’on part du principe qu’il est également du devoir du médecin de réduire la souffrance, on peut par ailleurs considérer qu’un tel soulagement consiste à donner la possibilité à une personne de mettre un terme à sa vie en douceur et de ne pas devoir recourir à des moyens violents, douteux et peu sûrs.
À l’échelle internationale, un ancien médecin australien s’efforce de rendre accessible à tous un dispositif d’assistance au suicide. Celui-ci permet aux personnes souhaitant se donner la mort de s’enfermer dans une installation technique dans laquelle l’azote remplace l’air, ayant pour conséquence l’asphyxie. Avec cette évolution, les personnes souhaitant mourir peuvent se passer de conseils et d’un accompagnement médical. Une telle situation est toutefois préférable à celle dans laquelle les médecins – en particulier ceux qui ont déjà une grande expérience de la vie et de la profession (il peut s’agir surtout de retraités qui, sans être soumis à la pression de leur cabinet, souhaitent encore aider des personnes) – sont à la disposition de ces personnes pour leur éviter de prendre des décisions hâtives et pour leur permettre de s’en aller dignement de manière anticipée, ce qui est justifié aux yeux des personnes concernées.
Le suicide assisté est traité comme un «corps étranger» par l’ASSM et la FMH, alors qu’il est une réalité suisse depuis des décennies et qu’il fait partie de différentes options d’aide à la fin de la souffrance, dont font également partie, par exemple, la sédation palliative, l’interruption de traitement et l’accompagnement en fin de vie.
Il faut donc espérer que la FMH revoie bientôt sa position actuelle – qu’elle n’a d’ailleurs jamais tenté d’imposer concrètement à ses membres, contrairement à l’affirmation selon laquelle elle serait «applicable» – et qu’elle invite le corps médical à reconsidérer de son côté sa réserve actuelle.
Le Dr méd. Martin M. Guggenheim détient l’autorisation de pratiquer à son adresse privée à Uetikon a. S. Il exerce depuis dix ans dans le domaine de l’accompagnement en fin de vie et du suicide assisté, a donné plusieurs conférences dans le cadre de podiums de l’Université de Saint-Gall sur la capacité de discernement et suit une formation continue.

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